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UNE TRADITION VIEILLE D'UN SIECLE
par Jean-Louis Pierson

D’où venons-nous ?

La création de notre salle d’armes résulte d’une délibération du Bureau de la Chambre des députés du 19 mars 1913. Cette décision solennelle est l’aboutissement des démarches insistantes effectuées par de nombreux parlementaires au cours des dix années précédentes.

Dans sa décision, le Bureau a posé les principes de fonctionnement de la salle d’armes : ouverture à tous les membres de la Chambre ; recrutement d’un maître d’armes agréé par les Questeurs et rémunéré par les cotisations individuelles. Il a également précisé que le maître d’armes devait être de nationalité française et avoir satisfait aux obligations résultant de la loi sur le recrutement de l’armée.

Les moyens nécessaires ont été alors réunis dans un local de la cour Colbert : installation de douches, de vestiaires, d’armoires, d’un poêle et d’un atelier de réparation, avec fourniture de serviettes et de peignes... C’est le maître Kuentz qui fut recruté comme premier maître d’armes.

Assisté à l’origine d’un prévôt - M. Marnat - dont les honoraires étaient prélevés sur les indemnités parlementaires des membres du groupe des députés fréquentant la salle d’armes, il a exercé ses fonctions jusqu’en 1933.

Le groupe d’origine devait rapidement s’étoffer, car dès juillet 1914, 58 députés écrivent aux Questeurs pour signaler l’augmentation du nombre de leurs collègues escrimeurs et demander l’agrandissement d’une salle devenue rapidement trop exigüe.

Ce développement rapide est certainement imputable à l’ambiance de l’époque, mais aussi aux qualités du maître d’armes et à la présence parmi les adhérents, d’escrimeurs réputés, véritables autorités dans la discipline, profondément engagés dans le puissant mouvement de promotion de l’escrime sportive, dont les structures nationales et internationales se construisent à cette époque.

On citera Georges BUREAU, député de la Seine inférieure, Président de la société d’entraînement à l’escrime et au pistolet, membre d'honneur de l'Académie d'épée de Paris, membre des comités de la société d'encouragement de l'escrime et de la société d'escrime à l'épée, de Paris.

On notera également la présence du marquis de DION, dirigeant de la société d’escrime à l’épée de Paris et de l’Académie d’épée, fondateur de l’automobile club de France, institution dont la salle d’armes est très réputée.

Enfin, une place éminente revient à André MAGINOT, grand escrimeur incontestablement, et pas seulement par la taille (1,99 m….). Champion d’Afrique du Nord en 1909, fondateur de la salle d’armes d’Alger, Président du « groupe de l’escrime » de la Chambre en février 1916, André MAGINOT était co-président avec le marquis de DION du « groupe parlementaire de défense de l’escrime française » créé en février 1913. Il compte au nombre des personnalités de l’escrime internationale qui ont œuvré pour aboutir à la création de la Fédération internationale d’escrime dont les premiers règlements sont adoptés en 1913. Président de la Fédération française d’escrime de 1919 à sa mort en 1932, il réalisa la fusion de la fédération nationale d’escrime avec la société d’encouragement de l’escrime française, avant d’être élu Président de la Fédération internationale d’escrime en 1920, exerçant cette dernière fonction jusqu’en 1924.

Avec tant de bonnes fées penchées sur son berceau, notre salle d’armes ne pouvait connaître qu’un destin heureux.

En 1926, elle comptait parmi ses adhérents 22 députés et 2 membres du personnel : dont le secrétaire général en personne. Il semble qu’elle se soit alors progressivement ouverte à des personnes extérieures par parrainage. Pour confirmer la fidélité aux options énoncées par le Bureau en 1913 concernant l’ouverture à toutes les tendances politiques, on note parmi ses pratiquants, aux côtés de Guy de WENDEL, la présence de Paul VAILLANT-COUTURIER.

En 1933, année du départ à la retraite du maître Kuentz, la salle d’armes connait semble-t-il une éclipse, puisqu’en juin 1936, une pétition demande son rétablissement. Les archives ne livrent aucune trace de suite de cette demande.

Il faut donc attendre 1949 pour que, les autorité ayant pris la décision d’aménager une salle de culture physique - sans doute celle de la Cour Montesquieu - le maître Victor Montjalas, sabreur réputé, soit mis par la direction des sports à la disposition de l’ASPAN (association sportive de l’Assemblée Nationale), devenue depuis l’ASCAN (association sportive et culturelle de l’Assemblée Nationale). Le maître Montjalas exercera ses fonctions jusqu’en 1970. Il aura pour successeur le maître Lacroix, auquel succéderont au moment du transfert de la salle d’armes de la Cour Montesquieu vers les actuels locaux souterrains, le maître Castanet, puis le maître Objois et enfin le maître Bernard Delmas.

Les difficultés pour faire reconnaître la légitimité de l’activité de notre salle d’armes dans un Palais législatif en crise immobilière permanente n’ont pas manqué et outre la passion des pratiquants et des cadres qui se sont succédés, la fidélité aux principes posés à l’origine et notamment l’ouverture à tous, indépendamment de toute considération politique et de pression extérieure, apparaît bien comme une condition déterminante de la naissance, de la survie, puis de la renaissance de l’escrime à l’Assemblée.

Les parlementaires auxquels nous devons cet héritage, ont exprimé très clairement dans leurs correspondances avec les Questeurs leur souci exclusif de permettre au plus grand nombre de leurs collègues, « sans distinction de parti, de se réunir amicalement ».

A l’approche de notre centième anniversaire, nous demeurons fidèles à cette option de nos fondateurs, tout en nous efforçant de préparer l’avenir en partageant généreusement notre passion par une ouverture aussi large que possible vers de nouveaux pratiquants de tous âges.