SommaireCélébration des 20 ans

 

Monsieur le Directeur général des services législatifs,

Je vous remercie d'avoir honoré de votre présence notre déjeuner de fin de saison. C'est une marque d'attention à laquelle je suis particulièrement sensible. Je regrette que vos responsabilités vous maintiennent éloignées de notre salle.

Cher Président, Mesdames, Messieurs,

A la manière de Charles Aznavour, je voudrais vous parler d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Il a commencé un dimanche de juin 1991 au cours d’un déjeuner réunissant des maîtres d’armes parisiens dans la maison de campagne de Maître Samson, alors maître de salle au Cercle militaire. Au cours du repas, il m’interpella en me lançant :

« Mon cher Maître, avez-vous lu l’annonce dans Escrime Magazine ? »

« Non », lui répondis-je.

« Et bien l’Assemblée nationale recherche un maître d'armes pour la rentrée de septembre. Cela vous intéresse-t-il ? »

Comment n'aurais-je pas pu répondre positivement ?

Dès le lundi suivant, Maître Samson a pris rendez-vous avec Monsieur Daniel Bokobza, alors président de la section d'escrime de l’Assemblée nationale, pour lui présenter ma candidature. Il m'a rapporté quelques formules un peu hautes en couleur qu'il a utilisées pour faire mouche : « Avec Maître Objois, vous aviez une 2 CV ; avec Maître Delmas, vous aurez une Rolls ! ». Je rencontrais à mon tour Monsieur Bokobza. Après quelques jours de réflexion, celui-ci m’appela pour m’annoncer mon engagement. J’ignorais alors que j’allais vivre une si longue et si formidable aventure.

Le 3 septembre 1991, je devenais le Maître d’armes de l’Assemblée nationale. J’éprouvais une grande fierté à servir cette prestigieuse institution. Fierté toujours aussi grande 20 ans après.

Car pour moi, la salle d’armes de l’Assemblée nationale contribue à sa manière au lien entre l’institution parlementaire et les citoyens, ceux qui la fréquentent et ceux qui en entendent parler, en offrant même une possibilité de pratique sportive régulière aux enfants. Elle participe ainsi un peu du rayonnement de l’institution au-delà de son enceinte.

Il ne me fallut pas longtemps pour connaître les trois membres qui composaient la section d'escrime à l'époque. Cependant, dès les premiers mois, l'effectif se compléta de plusieurs adhésions, dont celles de deux futurs présidents successifs de la section, Messieurs Philippe Dautry et Eric Szij.

A l’issue de la première saison, je proposais à Monsieur Bokobza d’augmenter le nombre de séances, en passant de deux à quatre séances par semaine, persuadé que cette élargissement de la disponibilité développerait l’activité. Les finances de la section ne permettaient pas de supporter un tel bond en avant. Qu’à cela ne tienne ! Je prenais à ma charge les créneaux horaires supplémentaires durant une année, le temps de démontrer le bien fondé de cette initiative. Pour récolter ne faut-il pas semer ?

Grâce aux nouvelles plages d'ouverture, les effectifs augmentèrent significativement, à tel point que les deux pistes existantes devinrent insuffisantes. Monsieur Bokobza obtint du comité directeur de l’ASCAN, et de son président de l'époque, Monsieur Michel Loncan, un projet de rénovation de la salle des sports comportant la réalisation de quatre pistes électriques, et la mise en place d’un revêtement de sol plus adapté à la pratique de l’escrime.

Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point la volonté de développer cette salle m’a habité durant toutes ces années.

Plus tard, Monsieur Thierry Vanel, nouveau président de l’ASCAN, conduisit un projet de rénovation plus ambitieux encore, créant notamment une salle séparée de musculation pour regrouper tous les appareils de musculation qui jusque là restaient à proximité des pistes d'escrime. En outre, la réfection de la peinture sur les murs, et la modernisation de l'éclairage, améliorèrent la luminosité. La salle est alors devenue telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Cette salle m’a permis de me réaliser pleinement en tant que Maître d’armes, à travers l'entretien d'une forme d'harmonie entre tous ses membres, et la transmission d'un « savoir faire », et même d'un « savoir être », acquis tout au long de mes vingt-sept années passées à servir mon pays au sein de l’institution militaire. Dans ce contexte privilégié, j'ai eu la chance en effet de pouvoir mettre en application une règle de vie à laquelle je suis particulièrement attaché, et qu'une parole de Jésus rapportée par Paul résume ainsi : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ».

Aujourd’hui la salle d’armes de l’Assemblée nationale est devenue un lieu où l'on vient certes parce qu'on est habité par le démon des « parades / ripostes », parce qu'on veut en découdre avec celui qui nous a battu la semaine d’avant, ou plus modestement parce qu'on veut progresser dans sa maîtrise de l’épée, du sabre ou du fleuret, mais aussi parce que c’est un lieu où il fait bon vivre, où chacun trouve sa place, un lieu de bien être et d’épanouissement personnel. Un espace privilégié pour se distraire ensemble, et partager des moments d’amitiés.

Etre membre de la salle d’armes de l’Assemblée, c’est accéder à une forme de « savoir vivre ». Celui-ci repose sur l'appropriation et la pratique de ces valeurs essentielles et intemporelles que sont le Respect et l’Amitié. En avançant en âge, j’ai de moins en moins de certitudes sur les « choses de la vie ». Toutefois, je reste persuadé qu’une salle d’armes sans valeur est une salle d’armes sans avenir.

Au tournant de ce parcours de vingt années, je souhaite exprimer ma gratitude et adresser mes très sincères remerciements aux différents présidents successifs (Messieurs Bokobza, Dautry et Szij) avec lesquels j’ai conduit les destinées de cette salle. La confiance qu’ils m’ont accordée chacun à leur tour a été le moteur de mon engagement.

A vous tous, membres de la salle d’armes, j'adresse les remerciements du plus profond de mon cœur pour votre présence et votre fidélité.

Longue et belle vie à notre salle.

Maître Bernard DELMAS